Bonjour Gardienne de l'univers,
plus loin que la question de protéger ou non et comment nos écrits, le plagiat soulève une question bien plus importante et qui me paraît des plus essentielles : pourquoi postons-nous nos écrits et les donnons ainsi à lire aux yeus potentiellement de tous ?
Je lisais sur ce forum il y a peu que nous écrivions pour combler le vide
. Pourtant, il me semble que c'est le désir qui cherche à combler le vide. La poésie elle, n'est pour moi qu'un écho du vivant. Ce même vivant qui, bien sûr se structure de ce moteur essentiel qu'est le désir mais, pas seulement. Le désir est une dynamique devant permettre d'atteindre un Etat. Le désir est un coeur qui bat et qui ne supporte pas l'absence de raison de battre..
L'Etat (ou le sentiment) lié au temps est force aimant limité et c'est d'ailleurs ce qui en fait sa valeur, ce qui le rend si précieux et unique. L'amour, le bien-être, se sentir heureux...
Cette digression pour bien souligner que nous retrouvons cette tendance dichotomique sur les forums et blogs... Différences en tendances et non absolues mais, que nous ne pouvons non plus ignorer :
- "J'écris de la poésie pour me sentir exister" et là je réponds clairement à un désir.
- "J'écris parce qu'une voix en moi me parle et ne peut user d'autres mots que ceux de la poésie pour être au plus près de celui que je suis et qui ne cesse de se vivre" et là je ne me fais que l'écho d'un vif vent, d'un mouvement, d'un rythme...
Encore une fois, cette façon de scinder schématiquement n'a d'autre but que de vouloir un peu mieux éclairer le débat. Les raisons et conséquences de l'écriture poétique sont bien plus complexes. Par exemple, bien des artistes qui se font écho de leurs voix sont narcissiques et trouvent dans leurs réalisations l'objet possible d'un désir... Celui qui répond à son désir d'exister par la plume ne peut être dénuée d'une sensibilité qui se fait voix !
Une fois donc cette réponse faite, nous pouvons revenir sur la problématique du plagiat : est-ce que le plagieur se fait écho d'une voix en lui ou surtout, éprouve-t-il le besoin par les yeux et les mots des autres, le besoin d'un retour lui donnant le sentiment d'exister ? Le fait même de ne pas citer ses sources, dire ceux que l'on admire, ceux qui nous servent de modèle ou nous inspire marque par une absence, un déni. Clairement donc, le plagieur répond au désir de pouvoir se sentir exister en associant son nom à ce qui n'est pas de lui. Tout est dans ce déni ! Ce déni n'est pas seulement celui de la source qu'il copie mais, surtout il est l'aveu de son déni envers lui-même et de son incapacité à pouvoir vivre autement que par les autres... Ne pas pouvoir s'avouer son lien à l'autre en dit long sur le vide qui le hante, ses peurs, ses angoisses, son agitation, sa panique...
Je comprends ta réaction Gardienne de l'univers. Elle est souhaitable même et je pense très saine. Nous ne pouvons pas laisser sous silence ce méfait. Il n'est pas tant un danger parce que l'usurpation et le vol lèsent une personne en le soustrayant à ce qui est le témoignage de son existence. Non, c'est surtout qu'ils nient une réalité et que faisant, ils mettent en danger cette réalité qui nous est nécessaire pour vivre... Le plagiat est la conséquence d'un désir mal canalisé, incontrôlé et qui par ce biais devient objet de lui-même au mépris des sujets. C'est toute la force et la puissance du désir met aussi sa violence destructrice et funèbre. "Quand la fin justifie les moyens" il n'est plus de fin aux moyens, et la vie et la mort disparaissent jusqu'au moment où la réalité rattrappant le désir, il n'est plus de moyens puisqu'ils ont tous été "usés, consommés, consumés, "...
Je renvoie donc ainsi le plagieur à sa dépendance, à son indigence et à son vide. C'est plutôt la pitié qui l'emporte...
Pour revenir à ta suggestion et comment protéger nos écrits Gardienne de l'univers (un prénom ou autre pseudo seraient plus sympas d'ailleurs), la question se posera toujours dans une certaine mesure.
La loi en quelque sorte y répond et je trouve finalement assez bien. La date de l'édition fait foi de l'appartenance de l'oeuvre à son auteur. Le plagieur ne peut qu'être en "retard" de l'édition de l'oeuvre qu'il copie. Il existe ensuite des moyens en payant des organismes pour protéger son oeuvre mais, là est question de l'ambition que nous nous donnons quant à nos oeuvres.
Ces moyens d'ailleurs n'empêchent aucunnement un plagieur de sévir dans un lieu que nous ne fréquentons pas et se faire valoir à notre insu et à l'insu de tous sur ce qui ne lui appartient pas, comme nous pouvons en être témoin ici avec Baudelaire qui, dans sa tombe devrait voir cela avec sourire, voire dérision... Alors que faire sinon qu'arrêter de publier et s'en remettre à une hypotéthique postérité dont nous n'aurons que faire une fois sous boîte... Non, la vie exige de notre besoin insatiable de lien de devoir faire confiance. La prudence nous commande à aller de l'avant peu à peu et c'est pourquoi je trouve sur ce forum, scindé en quelque sorte en deux, excellente l'idée d'avoir partagé "vos poèmes" de 'lunivers des auteurs".
D'ailleurs, ce n'est pas tant en méfiance du plagiat que je trouve l'idée excellente mais, plutôt à cause de la violence qui règne sur l'ensemble des forums, du fait justement que beaucoup d'internautes sont soumis à leurs désirs et n'ont de cesse d'oublier les raisons initiales, l'esprit même qui commande l'objet des forums (ici la poésie...). Avoir mis en place ce filtre m'a poussé très honnêtement - et pour d'autres raisons dont je ne m'expliquerai pas ici - à revenir sur ce forum dont l'interface plus jolie et plus lisible surtout témoignent de la motivation de leurs auteurs et donnent le gage d'un sérieux important.
Enfin et vous le dites bien, la frontière qui sépare le plagiat de l'inspiration de et le modèle est ténue bien souvent. Je suis bien placé pour en parler aujourd'hui, victime d'une copie d'écriture devenue assez répandue en certains endroits fréquentés par des gens qui ignorent peut-être même mon existence, je ne peut être que le témoin d'une réappropriation de ce qui dès lors est publié, ne m'appartient déjà plus.
Chaque personne qui publie doit bien en être conscient. Publier, c'est se défaire et accepter que d'autres se réapproprient notre création à l'encontre même des idées que nous voulons partager dans celle-ci (encore récemment un homme politique ne s'est pas gêné et sans scrupules visiblement pour dire qu'il aimait Charles BAUDELAIRE quand, bien même ses idées politiques vont à l'encontre de l'esprit de l'auteur qu'il cite). A cela, nous n'y pouvons rien.
Et d'ailleurs, n'est-ce pas là la reconnaissance que nous recherchons, pour certains en tout cas et moi le premier ? La vie nous demande de renoncer à un contrôle total et absolu, de comprendre que bien des choses nous mènent, nous dépassent. De notre conscience, nous ne faisons que nous débattre et en quelque sorte, nous faisons ce que nous pouvons, c'est à dire pas grand chose... Alors, des personnes qui ont pu reprendre mon style sans jamais vraiment citer leur source, je les lis non sans un certain plaisir en me disant, que ma voix leur a tant parlé qu'elle a fait écho en eux au point d'y trouver un commun qui nous révèle. Cela est au fond déjà une grande et belle reconnaissance...
Je vous ambre brasse
Algo Onaor